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Hacktivisme online
Hackers et activistes fusionnent leurs compétences sur le web, donnant naissance à une nouvelle forme d'engagement, mi-technologique mi-politique. A l'intention de ceux qui veulent utiliser le web pour autre chose que pour de l'e-VPC...

Les hackers sont à l'origine de l'internet. A force de pousser toujours plus loin leurs investigations à l'intérieur des systèmes informatiques, ils n'ont fait que les améliorer. Les activistes, par ailleurs, arrivent grâce à la toile à s'organiser et à se regrouper beaucoup plus efficacement qu'auparavant. L'hacktivisme réunit ces deux cultures et on en repère les premières traces dans les années 80 avec des groupes comme le Chaos Computer Club, qui pénétra des systèmes informatiques gouvernementaux afin de dénoncer les risques de "big brotherisation" de la société de l'information.

L'"intelligence collective"

L'une des raisons d'être de l'hacktivisme est d'attirer un grand nombre de personnes à appuyer là où ça fait mal tout en évitant la casse et les dégâts humains : si la technologie peut être une arme, elle n'est pas de l'ordre de la confrontation physique. Ici, la guerre est celle de l'information, donc de la liberté d'expression... et l'internet est un très précieux outil pour diffuser de l'information à moindre coût, les médias libres comme les associations "alternatives" ne s'en privent d'ailleurs pas. Mais les activistes utilisent aussi et surtout newsgroups et mailings-listes, réunions virtuelles réunissant autour d'un même sujet et par email de quelques dizaines à plusieurs milliers d'internautes désireux de mettre en commun informations et compétences.

Simple comme un coup de clic !

Il y a quelques années, un leader syndical mexicain était assassiné par un commando d'extrême-droite : en quelques heures, l'information était retransmise par le web à des ONG du monde entier sous la pression desquelles, pour la première fois, le gouvernement mexicain arrêta les meurtriers. On peut aussi citer la lutte contre les OGM, l'association ATTAC ou encore les milliers de groupes internationaux qui, via le web, se sont ligués contre la conférence de l'OMC à Seattle. Si le web est truffé de sites perso et associatifs, il est aussi bourré de pubs et de la propagande de grosses sociétés qui voient d'un mauvais oeil ceux qui s'opposent à elles et combattent leur vampirisation de l'internet. Et si l'e-commerce a ses bandeaux de pub, le web indépendant a ses bannières de protestation : plusieurs dizaines de milliers de sites s'étaient ainsi mis en berne lors de l'affaire altern.org, transformant la fête officielle en "défête de l'internet". On peut aussi citer les centaines de banderoles de soutien à Mumia Abu-Jamal, qui ont, entre autres, contribué au report de son éxécution.

Simple comme un site web

D'autres sites se spécialisent en contre-propagande : rtmark (pour "registered trademark"), "société de courtage" américaine, se charge ainsi de financer et promouvoir certains projets "subversifs". Pour le Front de Libération des poupées Barbie, ils interchangèrent les puces de 300 Barbie et Ken afin que le "mâle" parle comme la "fifille", et vice versa. Une autre fois, ils réussirent à faire s'embrasser sur la bouche deux des guerriers d'un jeu vidéo particulièrement macho (80 000 copies furent vendues avant qu'on ne s'aperçoive du piratage). Leur dernier coup d'éclat est un site web qui se veut la réplique exacte de celui de Georges Bush Jr en vue d'en dénoncer l'hypocrisie et qui rappelle au bon souvenir du candidat conservateur aux présidentielles US certains de ses mensonges, ainsi que... son passé de cocaïnomane. Plusieurs millions d'internautes ont déjà visité le site, qui a été couvert par la presse internationale.

Troyens, virus et autres sales bestioles

Mais la forme d'hacktivisme la plus sophistiquée, et la plus controversée, se sert des failles et autres "bugs" des systèmes informatiques. Ainsi de Back Orifice, logiciel libre et gratuit mis à la disposition de tous sur le web par le Cult of the Dead Cow, réputé groupe de hackers américains. Leur "troyen" se présente comme une amélioration de celui, payant, de Microsoft qui sert à gérer, à distance, les réseaux informatiques. En fait, il exploite un des nombreux "trous de sécurité" qui font le charme (et le chiffre d'affaires) du leader informatique tant décrié en vue de s'infiltrer dans l'ordinateur de quelqu'un d'autre, et d'en prendre le contrôle. Il existe également des logiciels de "mail-bombing" pour inonder les boites aux lettres et toute une gamme de produits, virus et autres cyber-cochoncetés par centaines destinés à pourrir la vie via le web.

Bug Brothers

Mais les hacktivistes réprouvent ce genre de "terrorisme", ce qui n'empêche pas certains d'user parfois de technologies dignes des services secrets pour protéger leur anonymat et ne pas risquer d'être inquiétés. Ainsi, récemment, la guerre du Kosovo fut l'occasion pour un certain nombre de petits génies de l'informatique de dénoncer l'attitude de l'OTAN en modifiant les home pages de dizaines de sites US, les serbes ayant même fait circuler un CD-Rom spécial "pirates" pour cela (voir l'interview des hackers pakistanais d'HPC); au même moment, d'autres se mobilisaient pour B92, la radio libre de Belgrade, afin de contourner la censure du régime de Milosevic, en mettant à sa disposition un système semi-clandestin de retransmission par internet.

Bigbrotherisation ?

Bien évidemment, comme il s'agit de l'internet, on vous parlera beaucoup plus souvent des terroristes et des cyber-délinquants que des hacktivistes, de même qu'on vous parlera plus facilement d'e-commerce que de liberté d'expression... tout en recensant à votre insu un maximum d'informations concernant vos pratiques de consommateur, faisant du web un vaste supermarché livré à la concurrence mondiale de ceux qui recoupent fichiers clients et banques de données. Sauf que les moyens mis à la disposition des "simples citoyens" n'ont jamais été aussi nombreux, faciles d'accès et efficaces qu'aujourd'hui. Ainsi, les autorités australiennes ayant décidé de censurer les aspects "subversifs" du web à compter du... 1er janvier 2000 (des mots comme "sein", "drogue" et même... "libre" seront interdits !), une cyber pro du X s'est fendue d'un strip tease serti du ruban bleu, symbole de la liberté d'expression sur le web, dévoilant les nombreuses connexions à son site de ceux-là même qui ont voté la loi, tout en expliquant comment contourner ladite censure... En France, à l'occasion du sommet mondial des régulateurs de l'internet organisé par le CSA, le gouvernement vient d'annoncer la création d'un organisme d'"auto-régulation" destiné nous dit-on à contrer la domination de certaines transnationales s'exprimant en anglais, et à permettre l'accès du plus grand nombre au web... Affaire en cours... Tout ne dépendra jamais que du degré de mobilisation des internautes contre les big brothers en puissance. A vous de jouer !

play back, & copyright Nova Magazine, décembre 1999.

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