Réponse du Directeur du Cabinet d'Hervé Bourges aux inquiétudes du mini-rézo, d'altern.org & de la CPML...
> Olivier ZEGNA RATA (Dir Cab Hervé BOURGES)
> à Valentin LACAMBRE (Coordination permanente des Médias Libres)
>
> Cher Monsieur,
>
> Votre lettre d'aujourd'hui, confirmant différents communiqués,
> manifeste encore le malentendu qui existerait entre vous et le Conseil
> sur la problématique de la régulation d'Internet... Et le président me
> demande de préciser en quelques mots sa pensée, et l'enjeu de ce
> sommet, ce que je fais avec plaisir. Vous trouverez ci-joint le
> document de présentation des réflexions et le programme détaillé des
> journées.
>
> Il ne s'agit en aucun cas et à aucun moment pour le Conseil supérieur
> de l'audiovisuel de réclamer de nouvelles compétences : actuellement,
> en toute rigueur, la loi place déjà Internet dans les compétences du
> CSA. Or lui avez-vous vu souvent prendre des décisions négatives ou
> lilberticides sur le réseau?
>
> Mais le développement d'Internet pose deux types de problèmes graves,
> plus dangereux à terme pour la liberté d'expression que l'action du
> CSA. Le premier : la situation de domination rapide de quelques
> groupes sur l'ensemble du marché du Web, par voie de concentrations
> économiques, touchant à la fois la téléphonie et l'informatique. Ces
> groupes sont eux-mêmes en train de tenter d'établir des "codes moraux"
> sur le Web, qui sont en fait souvent l'habillage de leur volonté d'y
> contrôler les "expressions individuelles" qui seraient contraires à
> leurs yeux, daux "bons" principes moraux, politiques, économiques,
> qu'ils souhaitent être les seuls à fixer.
>
> Ce premier problème risque à terme d'être d'ordre démocratique, et de
> mettre en danger la liberté d'expression. Il faut en la matière se
> garder de tout angélisme : en 1789, plus de 400 titres de journaux
> libres à Paris. Combien sont imprimés et effectivement distribués en
> 1999?
>
> Internet, me direz-vous, change justement toute cette économie...
> Espérons-le : mais il faut pour préserver la liberté d'expression et
> la diversité des cultures des actions volontaires... Aujourd'hui
> l'anglais est en passe de s'imposer comme la "langue du Net", qui
> deviendra la "langue universelle" : les mêmes logiques de
> simplification et de concentration culturelle exigent qu'une réflexion
> internationale soit menée : c'est le premier but de notre rencontre.
>
> Le deuxième problème est celui de la croissance des inégalités face
> aux nouveaux services. Car vous avez la chance de pouvoir vous
> exprimer librement sur le Web, et c'est très bien ainsi. Vous avez
> aussi la possibilité de profiter des formidables ouvertures qu'il
> permet, en termes d'accès à des bases de données, à des bibliothèques,
> à des ressources d'information. Tant mieux pour vous. Mais vous
> devriez aussi mesure que cette possibilité n'est encore donnée qu'à un
> petit nombre, que le coût des connexions pour des personnes privées
> est dissuasif pour la plupart, au sein même de la société française.
> Les inégalités d'accès et d'utilisation d'Internet risquent donc de
> creuser le fossé qui existe entre les riches et les pauvres, dans nos
> sociétés développés, et encore plus entre les pays riches et les pays
> pauvres, entre le Sud et le Nord. Sans même parler des tarifications
> téléphoniques et des infrastructures disponibles. Là aussi,
> l'angélisme du discours "Internet, c'est la liberté pour tout le
> monde" ne tient malheureusement pas la route.
>
> Il se trouve que sur ces deux thèmes fondamentaux, qui conditionnent
> le développement d'Internet et le type même de société qui se
> construira à partir du Net, les régulateurs de l'audiovisuel et des
> télécoms sont en mesure de contribuer à une prise de conscience. C'est
> le sens des réflexions, car ce ne sont que des réflexions, qui auront
> lieu lors de ce Sommet. Comme vous le voyez, il ne s'agit ni de
> devenir des censeurs (c'est contraire à notre culture comme à nos
> compétences) ni de baillonner les "petits" sites, que nous voulons au
> contraire renforcer...
>
> Dans ce cadre, vous souhaitez également être entendu : contrairement à
> ce que vous croyez, les utilisateurs d'Internet seront présents, à
> travers tous les orateurs, et à travers les documents et les textes de
> travail, ainsi que sur les sites Internet que nous avons ouverts pour
> l'occasion, et qui retransmettront les discussions, mais aussi, pour
> certains d'entre eux, permettront d'y réagir. Nous n'avons
> malheureusement pas la possibilité de faire intervenir des orateurs
> français supplémentaires, les tables-rondes étant déjà très chargées,
> et devant respecter des équilibres diplomatiques complexes entre les
> Etats... En outre le Sommet est un sommet des régulateurs
> (c'est-à-dire que nous discuterons entre nous, les actes et les
> échanges étant ensuite publics, et que le CSa ne peut pas imposer plus
> de 5 intervenants français).
>
> Mais le Président Bourges me charge de vous dire que nous serons très
> heureux de mettre à disposition des régulateurs (plus de 210 venus de
> 5 continents) et sur les tables prévues à cet effet dans la salle,
> tout document d'information que vous souhaiteriez diffuser à cette
> occasion, et que nous pourrons également indiquer à ceux qui
> visiteront le site Web ouvert pour retransmettre les débats l'adresse
> Internet de votre organisation. Vous pouvez tout me transmettre par
> e-mail : zegna-rata_o@csa.fr et nous nous chargerons, le cas échéant,
> de faire tirer les copies des documents, comme nous le faisons pour
> les autres parties qui nous demandent de diffuser leurs réflexions à
> cette occasion.
>
> En espérant que les éléments de réponse que je viens de vous fournir
> sont de nature à vous rassurer, je vous prie d'agréer, cher Monsieur,
> l'expression de ma considération distinguée.