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Les rapports vert, gris et vert-de-gris
(cinéma expérimental, linstitutionnalisation impossible)

 

Créer Hollywood… pour l'équivalent d'une seule avance sur recettes.

David Wharry :  Il faut essayer de comprendre dans un projet d'atelier tout le matériel (à même de) satisfaire tous les besoins possibles de tous les cinéastes…
Georges Rey : Oui, il faut créer Hollywood !

La question n'est plus d'amender les différents points du rapport vert, mais de savoir quelle est la " priorité " à faire valoir auprès du c.n.c. Revenant sur son contre-rapport, Patrice Kirchhofer prône " une base minimum d'entente en ce qui concerne l'aide matérielle, non pas l'aide individuelle mais l'aide collective. Ce qui nous coûte cher, c'est la pellicule, le tirage de la copie, les travaux de laboratoire. (…) Ce qu'on ne veut pas accepter, c'est un système industriel. Il nous semblait donc qu'une priorité devait être donnée à un atelier collectif de production ouvert à tout le monde ", qui permettrait de réduire les frais techniques de 50 % et ne coûterait à l'état que l'équivalent d'une seule " avance sur recettes "… Quand George Rey craint que tous " les gens de province ne soient exclus ", préférant le terme de collectifs, au pluriel, de production, certains évoquent les vingt et un ateliers super 8, essentiellement d'obédience militante (mouvance d'ailleurs écartée de ce colloque) et répartis dans toute la France, qui pourraient, puisque le c.n.c. n'avait aucun moyen de contrôle sur eux et s'est en conclusion retiré du projet, être récupérés à leur profit. Dominique Noguez résume le débat en parlant de cinq problèmes à régler : type de matériel, modalité de fonctionnement (quelle personne engagera-t-on ?, qui aura accès à cet atelier ?, qui gérera (association ou fédération des cinéastes indépendants) ?, qui va s'occuper de chercher le local et de préparer le projet concrètement ?, et la question de la province.

La région centrale

Christian Lebrat :  Faire du cinéma pour vous, c'est faire des copies ?
Claudine Eizykman :  Je n'ai pas besoin d'un prestataire de service, j'ai besoin de travailler six heures, puis d'aller lire un livre, et de recommencer…

Les partisans de l'aide individuelle dénoncent l'uniformisation qu'entraîne la mise en place de moyens collectifs de production. Ils citent l'exemple de la Région centrale de Michael Snow, qui n'aurait jamais vu le jour sans une aide spécifique au type de travail qu'il voulait entreprendre : " On ne peut pas concevoir une technique uniforme pour une multiplicité de cinéastes indépendants ", l'aide individuelle étant seule garante de l'" hétérogénéité des pratiques ". Eizykman, Lowder et d'autres n'ont pas besoin de matériel collectif et Guy Fihman rappelle que " les cinéastes indépendants sont des gens qui ont commencé de toute façon sans moyens " et que ne resteront indépendants que " ceux qui accumuleront le matériel qui leur est nécessaire ", ajoutant qu'" un flûtiste envisagerait difficilement de travailler avec des flûtes collectives "… Le principe devant présider à la sélection des projets n'est pas de " mettre l'accent sur le travail à faire, mais sur le travail déjà fait ", il y a " une morale de cinéaste indépendant " et, " dans les pays qui se sont refusés à se poser la question de la sélection, le cinéma indépendant a périclité ". Si, pour Ahmet Kut, " la seule chose qui justifie l'aide directe, c'est de permettre au cinéaste de travailler sans avoir à se soucier de sa survie ", le fait est que ce projet d'aide individuelle est moins défendu par ses promoteurs qu'il n'est remis en question par une majorité de contradicteurs.

" D'un côté c'est sélectionner, de l'autre pas " (Meichler)

Louis Skorecki :  Dans ton projet de film, les gens qui n'ont jamais fait de films, ils n'en feront jamais !
Guy Fihman :  Je ne pense pas nécessairement que tout le monde doive faire des films.

L'" individualisme " des uns poussent les autres à la contestation : Marc Berri dénonce cette application à l'art de " critères moraux ", Giovanni Martedi rappelle qu'ils sont plusieurs à avoir fait l'expérience de la Paris Films Coop à laquelle il n'accorde aucune confiance. Alain Bonnamy, ex-étudiant de Paris VIII, reproche à Guy Fihman et Claudine Eizykman de vouloir " empêcher les nouveaux de commencer en créant des critères d'ancienneté, d'anciens combattants, de bons, grands, vieux cinéastes ", rappelant par ailleurs que s'ils ont eu la chance de bénéficier du matériel et de plusieurs dizaines de milliers de francs d'aide de l'Université, ce n'est pas le cas de la majorité des cinéastes. Mazé, suivi en cela par nombre de cinéastes, ne refuse pas l'aide individuelle en tant que telle, mais telle qu'elle a été présentée dans le rapport vert parce qu'" elle reproduit le système de l'avance sur recettes " dont le résultat est " un noyau de gens au courant, qui se ressemblent et dont les projets de films se ressemblent " selon Louis Skorecki. Une telle perspective élitiste est dénoncée collectivement et en bloc pour des motifs politiques, sinon idéologiques : " je crois qu'une aide sélective au sein d'une possible fédération de cinéastes serait purement et seulement nuisible à une unité et à une pratique du cinéma indépendant " (David Wharry). Mazé craint par ailleurs que cela n'aboutisse finalement distinguer des cinéastes " qui feront un cinéma riche, et d'autres qui feront un cinéma pauvre ". Faut-il donner beaucoup d'argent à peu de cinéastes en étant " sélectif " ou bien répartir la somme sur un plus grand nombre d'entre eux, et quid de la commission de sélection, de ses critères et de sa composition ?


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