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Les rapports vert, gris et vert-de-gris
(cinéma expérimental, linstitutionnalisation impossible)

 

La capitale des Lumières

La réunion tenue le 29 juin 1978 (au siège parisien du c.j.c.) remet bien en évidence les conflits idéologiques et intra-collectifs qui rythment l'union in progress des cinéastes : entre autres insultes et imputations qualifiées par certains de " paranoïaques ", le débat fut surtout de savoir où se tiendrait le prochain colloque… Les partisans du " complexe " collectif tentent de l'organiser sous forme d'a.g. à Paris, où vivent la majorité des cinéastes, et s'opposent à Rose Lowder et certains membres de la Paris Films Coop, partisans des aides individuelles pour qui une ouverture à trop de cinéastes " différents " nuirait à cette manifestation de " cinéma indépendant spécifiquement expérimental ". Les " collectifs " n'ayant pas d'autre alternative à proposer, il aura finalement lieu à Lyon, où Georges Rey (par ailleurs membre de la p.f.c.), exploitant et programmateur du Cinéma, salle d'art et essai subventionnée, dispose de l'infrastructure nécessaire et permet donc au c.n.c. de débloquer des crédits, comme ce fut le cas pour Avignon.

La meilleure défense, c'est l'attaque

Le colloque de Lyon se tient les 9 et 10 septembre 1978, Jack Gajos n'est là qu'" en qualité d'observateur " et Georges Rey en assure la présidence. Il est très rapidement dépassé par les événements et les invectives, et n'arrivera jamais à " tenir " l'assemblée. Il a co-organisé une " Anthologie du cinéma français ", programmation de quatre-vingt films historiques et contemporains projetés en parallèle au colloque, et qui est l'objet du premier affrontement : Mazé, appuyé par certains membres du Collectif et de la Coopérative, conteste la partialité de la rétrospective, qui privilégie à leurs yeux et en sous-main la Paris Films Coop. Guy Fihman parle alors de paranoïa et propose que le colloque couvre des " frais de psychiatres "… La qualité et la légitimité des intervenants constitue le principal obstacle à l'union des cinéastes. Si une soixantaine d'entre eux ont été invités, tous n'ont pas été conviés : exception faite du " cas " Lemaître, des personnalités influentes telles Raphaël Bassan, Noël Burch, Marcel Hanoun ou encore Luc Moullet, Philipe Garrel et toute la cohorte des cinéastes, non-expérimentaux mais indépendants, ne faisant pas partie du " mouvement ", ont été écartés des débats. Seule exception : Louis Skorecki, critique aux Cahiers du cinéma et cinéaste membre de la Coopérative des Cinéastes, qui marquera le colloque de ses interventions " intempestives et bruyantes ", mais surtout dérangeantes pour les tenants de l'expérimental pur et dur. L'autre trublion du colloque est Marc Berri qui, initialement non invité, profite de la défection de Michel Nedjar pour bénéficier de son invitation, et demande, en préambule du colloque, à lire un tract (intitulé Désillusions) prônant un cinéma pauvre, " le plus pauvre qui soit ", et parle d'" élisions pas perdues pour tout le monde "… Les interventions plus ou moins sauvages s'accumulent, le ton monte, s'envenime, et il n'est guère possible de débattre dans un climat aussi passionnel. Berri, devançant en cela la majeure partie des contributions qui devaient suivre, ne put d'ailleurs lire son tract et clore son intervention que des dizaines de minutes après en avoir demandé la permission.

A.G. collective vs " hétérogénéité de pratiques "

Le ton est donné, rares seront ceux qui parviendront à ne pas enflammer les braises, les coups volent souvent bas et la confusion est telle que tout ou presque devient prétexte à polémique, les uns accusant quasi-systématiquement les autres de mépris ou d'essayer de récupérer leur part du gâteau. Deux camps s'affrontent rapidement. Ceux pour qui ce colloque est une a.g. et où tout le monde a le droit de prendre la parole, et ceux pour qui les " vrais problèmes " ne sont pas ceux de la majeure partie des cinéastes présents. Les premiers cherchent à répondre " en priorité " aux besoins " de base " de la majorité des cinéastes, les seconds parlent d'" hétérogénéité des pratiques " et dénoncent une tentative de putsch qui se sert de la notion de démocratie pour imposer son point de vue " collectiviste ". Le tout se cristallise autour des deux seules notions vraiment débattues au cours de ce colloque : aide individuelle vs aide collective.



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