La guerre de l'information tient salon
jmmanach
(initialement publié dans transfert.net)
Les militaires de l'École supérieure d'application des
transmissions organisaient, la semaine dernière, un salon des NTIC.
L'occasion de faire le point sur l'état de la "guerre de l'information"
à la française.
"Je vous remercie d'être venus : le
contexte international n'était guère favorable, mais aujourd'hui
la Bourse et le Nasdaq remontent, je suis persuadé que le salon y est
pour quelque chose." Dans son discours de clôture du second Salon des
technologies de l'information et de la communication, le général
Jean-Louis Devisgnes n'a pu s'empêcher de régaler son auditoire
essentiellement militaire de quelques bons mots. Du 3 au 5 octobre,
l'École supérieure d'application des transmissions (ESAT), qu'il
dirige depuis août 2000, accueillait une soixantaine d'exposants du
high-tech "militaro-industriel", comme on disait jadis.
Absconses et barbares
Malgré le contexte d'"avant-guerre", on
n'observait nulle fébrilité particulière, l'ambiance
fleurant bon la détente et la fierté d'accueillir la fine fleur du
marché. La France étant plutôt en pointe en la
matière. Les exposants présentaient leurs dernières
solutions high-tech auprès d'un public très au fait de la
technicité très poussée desdites technologies. On y
trouvait de la visioconférence, qui intéresse tout
particulièrement les militaires, des solutions de communication
sécurisées, de localisation, d'interception et de brouillage, tout
une série de nouvelles technologies dont les caractéristiques
restent absconses, sinon barbares, pour le grand public, mais qui eurent l'heur
d'intéresser les nombreuses délégations
étrangères venues, entre autres, du Qatar, de Russie, de Tunisie,
sans oublier les écoles allemandes et anglaises venues en amies, puisque
jumelées à l'ESAT.
Inciter les jeunes à entrer dans le rang
Signe des temps : les Transmissions sont la
seule des armes françaises à s'être vue dotée, depuis
la fin de la conscription, d'un nouveau régiment, basé à
Caen. C'est dire son importance, et donc celle de l'ESAT, dont la mission est la
"maîtrise de l'information" et de l'espace
électromagnétique. Autrement dit : "traiter et transmettre
l'information amie, intercepter et, si besoin est, neutraliser l'information
ennemie" au moyen des divers aspects de ce que l'on nomme la "guerre
électronique". Bref, les "grandes oreilles" (et les grands yeux) de la
Grande Muette. Encore que muette, elle ne l'est plus tant que cela. Si
l'armée ne communique guère sur ses capacités
d'écoute, le site internet de l'ESAT fut le second web du
ministère de la Défense. Implantée sur la technopôle
Atalante de Rennes, l'école jouxte nombre de sociétés
high-tech, mais aussi l'un des plus grands centres de recherche scientifique et
technologique de France. Là est la raison d'être du salon, qui se
tient tous les deux ans : montrer le dynamisme de la région,
témoigner des nombreux échanges et accords de coopération,
voire inciter les jeunes à entrer dans le rang. L'ESAT, qui forme tous
les ans pas loin de 3 000 stagiaires, de 30 nationalités, signait ainsi,
le 10 septembre dernier, un protocole d'accord en vue de la création d'un
nouveau Mastère en sécurité des systèmes
d'information. En collaboration, entre autres, avec le Centre
d'électronique de l'armement (CELAR) de Bruz, sis lui aussi dans la
région, et que l'un de ses cadres définit comme "la
réponse européenne aux besoins d'expertise en guerre
électronique". En comparaison, note le communiqué de presse,
"aux États-Unis, ce sont près de 30 universités qui sont
reconnues par la puissante National Security Agency".
Bill Gates règne aujourd'hui en maître
Si les grandes oreilles de la NSA, et la
préférence des services secrets américains pour le
"tout-technologique" au détriment du renseignement humain, ont fait
l'objet de dizaines d'articles critiques depuis les attentats, à Rennes,
l'optimisme semblait, néanmoins, de mise. Ainsi, pour le
général Devisgnes, "si les terroristes ont utilisé des
moyens archaïques, la préparation n'a pu se faire qu'au moyen de
technologies des plus sophistiquées. Sans spéculer sur les
évolutions militaires, les NTIC seront au c&oeligur même de la
lutte anti-terroriste". Le général a ainsi
réclamé la création "vitale" d'un corps de
"cyber-combattants". Mais il a aussi reconnu le caractère, lui
aussi "vital", du "recours à des technologies duales
civiles/militaires". Et le militaire de regretter que "dans les forces
armées, Bill Gates règne aujourd'hui en maître" : la
majeure partie de leurs serveurs tournent en effet sous Windows NT, personne
n'ayant encore eu le courage de s'en passer. La NSA, elle, annonçait le
26 septembre la disponibilité de la deuxième mouture du SELinux,
une version sécurisée du système d'exploitation libre sur
lequel elle travaille depuis janvier 2001. Le général Devisgnes
avance ainsi qu'il eut été préférable pour
l'armée française d'investir dans le développement de ses
propres applications "libres" plutôt que de dépendre de
technologies "propriétaires" américaines. Français, encore
un effort...
Lien(s) de l'article :
Deuxième mouture du SELinux :
http://www.nsa.g
ov/selinux/news.html
Mastère en sécurité des systèmes dinformation
:
http://www-m
asteres.enst-bretagne.fr/ssi
ESAT :
http://www.esat
.terre.defense.gouv.fr