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"Des fées chassées de la forêt de Brocéliande, prises de douleur loin de leur sanctuaire, se mirent à pleurer... Leurs larmes, se déversant sur la terre, donnèrent naissance au Golfe du Morbihan. Elles y jetèrent leurs couronnes de fleurs : ce sont les îles du golfe. Trois de ces couronnes furent emportées vers l'Océan, elles y créèrent Hoêdic, Houat, et pour la plus grande : Belle-Ile-en-Mer." Ainsi souvrait le site belle-ile-en-mer.org jusquà Noël dernier. Si la visite guidée de lîle qui suit cette ode lyrique signée Samuel Austin existe toujours, la page daccueil du site affiche aujourdhui "Erika : Silence ! On paye ! Le sang breton est contaminé", et belle-ile-en-mer.org est devenu une des principales références en matière dinformation concernant la marée noire (voir aussi Radiophare sur la question). De 5 à 6000 visites par mois, le site a parfois dépassé les 17000 " hits " quotidiens au plus fort de la mobilisation : on a même proposé à son webmaster, au vu du succès et malgré la présentation toute artisanale du site, daccueillir de la publicité ! Outil incontournable pour ceux qui voulaient sinformer sur la catastrophe, le moins que lon puisse dire, cest que ce "site d'informations locales indépendant" est loin de plaire à tout le monde, et plus particulièrement à lOffice du Tourisme. Celui-ci avait pourtant demandé lan dernier au webmaster de belle-ile-en-mer.org, de créer son site web officiel. Mais cétait sans compter les "dommages collatéraux" de la marée noire Une marée
noire pour cadeau de Noël... Son crime ? Il est accusé de faire de la mauvaise publicité à lîle : "ils voulaient que je montre plus de choses moins dures" Si Samuel est conscient de limage d"emmerdeur, casse-pied et grande gueule" qui lui colle à la peau, il récuse en bloc cette accusation et dénonce lhypocrisie de lOffice du Tourisme dont la politique de communication fut tout sauf transparente, à linstar de la quasi-totalité des instances officielles, communes, régions comme ministères, daucuns ayant moult fois, mais sans résultat, tenté de faire pression sur lui pour quil se taise. Pourtant, son site ne cherche aucunement à affoler le péquin, et les nombreux messages de soutien, provenant de la France entière (il y en a même de Séoul !), montre à quel point son travail dinformations savéra nécessaire aux amoureux de lîle : "nous boycotterons Total cette année, mais surtout pas la Bretagne". Le politique de lautruche des officiels, qui cherchaient plus à rassurer le touriste quà linformer, a dailleurs valu sa place au président de lOffice de Tourisme, qui le menait pourtant de main de maître, sinon de fer, depuis presque 30 ans, un homme dautant plus puissant quil présidait également la fédération du Morbihan des Offices de Tourisme. Un remaniement interne vient en effet, mi-avril, de faire place à la "nouvelle génération", et lOffice va se doter dun nouveau directeur. Comme le dit un des membres de lassociation : "On vivait sur des acquis, et tout allait bien, aujourdhui que ça va mal, on sest ressoudé autour dune équipe plus jeune et dynamique." Si seulement
Total n'était pas français... Ancien cadre basé à Paris, Hervé Pérignon a tout plaqué il y a 6 ans pour suivre sa femme, médecin, à Belle-Ile, et soccupe depuis dun centre daccueil en été, tout en donnant des cours de musique lhiver. Adepte dun tourisme plus qualitatif que quantitatif, il fait partie de ceux qui cherchent à developper les randonnées à pied ou à VTT, les stages sportifs et culturels, dégustations de produits locaux, etc., ce "tourisme vert et alternatif" étant une des nouveaux axes dexpansion de lîle. Il compte dailleurs en créer un site web spécifique : "les gens qui viennent ne sont pas que des touristes, on est un peu comme lIrlande, avec des traditions, une culture, le capital humain est aussi important que la beauté du paysage". Il va également entreprendre un audit du site de lOffice de Tourisme en vue de laméliorer et de renforcer la présence des professionnels : sil compte 300 adhérents, ils ne sont en effet pour linstant que 18 à avoir une page web, page qui cela dit leur rapporterait jusquà 50% de clientèle en plus Le "tourisme
de solidarité" Les dégâts ne seront donc pas forcément si catastrophiques que ça : 50% des visiteurs estivaux, dont un grand nombre de VIP qui, depuis Sarah Bernhardt à la fin du XIXe jusquà François Mitterand dans les années 80, ont contribué au succès de Belle-Ile, disposent en effet dune résidence secondaire, et ont donc de fortes chances de revenir sur leur île préférée. Grande comme Paris, elle ne compte que 4500 habitants, mais plus de 25 000 lété : on ne peut pas dire quelle soit donc surpeuplée, et si la dizaine de navettes quotidiennes charrient à laller comme au retour léquivalent de la population locale, "les promoteurs immobiliers nont pas réussi à entrer, la côte nest pas bétonnée, même si les requins tournent constamment autour" comme le dit la femme de Samuel, et dajouter : "jusquà aujourdhui, on navait pas vraiment besoin de faire de la pub, les touristes sen chargeaient eux-mêmes !". Nombre dhabitués ont ainsi fait montre de solidarité en venant participer, en tant que bénévoles, aux travaux de nettoyage, sans compter tous ceux qui ont ainsi découvert Belle-Ile, et annoncés quils repasseraient très certainement, histoire de revoir, dépolluée, les falaises, plages, landes et forêts qui font la renommée de lîle. Une expression revient dailleurs souvent dans la bouche des Belle-Ilois, celle de "tourisme de solidarité". Dautant que 80, sinon 100%, de léconomie de lîle dépend du tourisme et que de nombreuses sociétés sont déjà en situation très difficiles, même si lon ne compte pour linstant quun seul dépôt de bilan. Si la Bretagne a longtemps gardé limage dune province rurale, austère et humide, elle vit en fait de plus en plus du tourisme : rien que pour ce qui est des départements touchés par la marée noire, le chiffre daffaires de ce secteur dactivité se montait en 99 à 30 milliards de francs, générant quelques 63 000 emplois directs, et autant de saisonniers. Vous comprendez mieux ainsi pourquoi Samuel, comme de nombreux autres Belle-Ilois et habitants de la côte Atlantique, na de cesse denrager contre le cynisme de ceux qui, industriels du pétrole en tête, voient dans cette "Erikatastrophe un incident total-ement imprévisible. De protocoles en accords, le mariage de l'Etat et des compagnies pétrolières se profile : nous étions aux fiançailles, les noces auront lieu dans quelques mois : dommage, la mariée sera en noire...", sans parler des Bretons de la côte Nord qui, eux aussi, pâtissent une nouvelle fois du "double effet" marée noire. L'e-commerce
de terroir Sachez par ailleurs que, si vous comptez aller sur Belle-Ile en voiture, vous nirez plus chez Total par hasard : ironie de lhistoire, le pétrolier a en effet le monopole de la distribution de lessence sur lîle, et il vous faudra débourser 65 centimes de plus du litre que sur le continent, frais de port oblige A moins que vous ne préféreriez y louer une voiture électrique, un vélo ou bien profiter des lignes régulières de bus nouvellement mises en place. Pour ce qui est des "bons plans", lOffice du Tourisme nest guère intéressant : il ne renvoie quà ses adhérents, publicité rémunérée qui na rien à voir avec quelque forme de conseil impartial et avisé que ce soit. Le guide du routard reste ainsi un très bon investissement. Pour ceux qui ne seraient toujours pas convaincus, dites-vous que, justement, la possible baisse de fréquentation de lîle peut savérer être le bon moment pour se rendre sur Belle-Ile : chacun sait que les Bretons, en tout cas ceux qui ne vivent pas directement du tourisme, et plus particulièrement les expatriés qui, eux aussi, ne disposent que des vacances pour retourner dans au pays, profitent de nimporte quelle occasion (mauvais temps, marée noire, etc.) pour tenter de dissuader tous les autres dinvestir encore plus avant leur chère Bretagne. jmmanach (05.00 - publié en version courte dans le supplément multimédia de l'Express - 06.00) lOffice de Tourisme de Belle-Ile : http://www.belle-ile.com/ //:retour@top
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Samuel Austin a 40 ans et un parcours pour le moins étonnant. Diplomé de composition au conservatoire de musique de Paris (" je voulais prouver que cétait possible même quand on a les cheveux jaunes "), il a fait dans la musique électro-acoustique, contemporaine tout en étudiant le peul et le mandingue à Langues O, et continue encore aujourdhui à jouer de laccordéon, tendance Poggues. Son appartement est dailleurs truffé dinstruments de musique, danimaux (chien, chat, perruche, hamster) et ressemble à sy méprendre à un caphranaüm détudiant, sauf quil y habite avec ses 2 petites filles, qui ont appris à tâter de la souris avant même de savoir écrire, sa femme et ses beaux-fils. La maison est un peu à lécart mais juste au-dessus du port de Palais, la principale des quatre communes de lîle, peu après une station essence Total. Perdue en pleine " brousse " comme il dit, désignant les fourrés avoisinant, elle a déjà été rallongée, pour faire face à larrivée des enfants. Une caravane, deux motos et trois mobs sont postées entre le chemin de terre qui longe la barraque et une petite guérite en bois. Ici, rien de luxueux : la récupération tient lieu de décoration intérieure, même les 5 ordinateurs qui peuplent la maisonnée sont pour la plupart bricolés, à part celui quil a gagné lors de la fête de linternet lan dernier, récompense de son opération de transformation dun bar en cybercafé. Il collectionne aussi les vieux ordinateurs, ceux de la préhistoire de linformatique, en vue den faire un musée pour son projet de cyberbuvette : réparant de temps en temps les ordinateurs des Belle-Ilois, il récupère tout ce quil peut, ainsi de cette unité centrale, tirée dun ordinateur qui avait brûlé dans un incendie, et qui compose lâme de son serveur informatique, entièrement composé de pièces de récupération (le boîtier date quant à lui de 7 ans, le lecteur de disquette de 5 ans, etc.). Samuel a le cheveu brun en bataille, vêtu dun pull et dun jean, de taille et corpulence moyenne, il est à la " cool ", et plus du genre dépareillé que tiré à quatre épingles, à limage de sa maison, digne représentante de ce qui reste encore de la liberté des contre-cultures des années 70. nonchalant, il répond aux questions tout en regardant la télé, sauf quand il dévoile son installation informatique (il a mis en réseau lintégralité de la maisonnée) ou encore lordinateur qui lui sert à jouer au seul jeu qui le passionne : un simulateur de vol dont il joue souvent, et notamment en réseau, avec dautres passionnés du monde entier (il a même obtenu un diplôme de commandant de bord virtuel au vu des 250 heures de vol quil a déjà accumulées). Un peu tout fou, cest un passionné, intransigeant et sans concession, obstiné, têtu et passé maître dans lart daller à la pioche aux informations, quand ce ne sont pas les " informateurs " qui viennent à lui... |