Pierre Mérejkoswky, parlez-nous de vous...
un.oeil.bien.sur,il.te.parle.et.te.poursuit...

Alors que se déroule en ce début d'avril la deuxième édition du festival des films chiants (voir l'agenda), seule manifestation de cette ampleur ne disposant d'absolument aucun moyen, retour sur son Président Cinéaste Fondateur qui, s'il devait décerné un prix, n'hésiterait pas à se l'auto-attribuer, en toute impunité.

 

ST : Pierre Mérejkoswky, parlez-nous de vous...

PM : Je peux parler d'autre chose, je n'aime pas tellement parler de moi. Je reconnais que la plupart de mes films sont centrés sur mon propre personnage, mais je mets au défi de dire qui sont mes parents par exemple, si je suis né à Paris qui sont mes amis, mon amie... bien que je parle de moi, personne ne sait qui je suis, moi non plus d'ailleurs. Je pense que parler de soi c'est parler des autres. Mais qu'est-ce que des autres ? Je parle de moi parce que les autres ne disent rien. Sinon, je donnerais volontiers la parole aux autres. Mais j'ai tellement l'impression que personne ne dit rien que ça m'incite à parler. Je n'ai pas grand chose à dire parce que je n'ai pas fait énormément d'études, donc je ne peux que parler de moi. Je parle des mouvements qui me traversent, me dépassent, un artiste n'est pas un créateur, il n'est qu'un réceptacle des opinions. J'ai un grand respect pour les gens qui parlent de films qu'ils n'ont jamais fait. Parler de films a longtemps été un de mes rêves, même de faire des films qui n'existeraient pas. Mais comme j'ai un côté pragmatique, je pense qu'on ne peut pas rester chez soi à attendre le RMI... ça n'a pas tellement de sens... donc je fais des films pour ne pas rester chez moi sans voir personne. D'un autre côté, je pense que le mensonge, les gens qui bâtissent un univers qui n'existe pas, c'est intéressant. D'ailleurs, c'est le propre du cinéaste d'inventer un univers qui n'existe pas.

J'ai commencé il y a à peu près cinq ans la diffusion chez mon ami Frédéric, dont je ne donnerais pas le nom par correction vis-à-vis de ses parents. J'incite tout le monde à créer autour de soi un public sympa, c'est important d'avoir son public, sa tribu ou son groupe. Il ne s'agit pas d'être le leader du groupe, les structures peuvent être interchangeables. Moi, par exemple, je n'hésite pas à donner tous les noms que j'ai, les contacts. Pour moi, faire des films, c'est un moyen de créer une collectivité le temps du film et susciter d'autres collectivités autour du film.

ST : Aujourd'hui tu nous a convié au festival du film chiant...

PM : Un film chiant, je ne sais pas ce que c'est, ça n'a pas tellement d'importance qu'il soit bon, mauvais ou raté à partir du moment où on l'a fait en croyant devoir le faire. Ce sont des critères qui n'ont aucun sens. Souvent les diffuseurs nous ont dit, à moi et à d'autres : "on ne passera pas vos films parce qu'ils sont chiants". J'imagine que ce qu'ils entendent par chiant c'est lorsqu'il n'y a pas de structure dramatique précise, moi je n'aime pas beaucoup les histoires où il y a un milieu, un début et une fin. J'aime mieux que les choses reprennent à leur point de départ.

Choeurs : Aaaaah ! Les bières !

ST : Michèle, comment as-tu rencontré Pierre?

M : Pierre est quelqu'un que je n'ai pas rencontré au festival de Grenoble. Il avait un film qui passait, je voulais lui parler, mais il est parti furieux. Donc, je n'ai pas pu lui parler. Je l'ai retrouvé à la SRF un jour où il y avait une réunion sur le court-métrage. Et il m'a dit qu'il était trotskiste...

PM : Moi ?

M : Tu m'as dit ça, absolument.

PM : Mais non...

M : Tu m'as dit "je fouille dans les tiroirs, je suis trotskiste".

PM : Oui, c'est vrai que j'ai fouillé dans les tiroirs du CNC. Je ne savais pas trop quoi dire, j'ai dit que j'étais trotskiste.

ST : va l'argent du festival du film chiant ?

PM : Y a pas d'argent d'abord, l'entrée est gratuite parce que je me suis dit, non, c'est par principe, je me suis dit que la SACEM allait venir, le CNC, la police, et puis je ne m'en sortirais pas. J'ai eu une très grande crise de paranoïa, c'est pour ça que c'est gratuit.

 

Enregistré par ST au premier Festival du Film Chiant, septembre 96.

 

lexique : la SRF est un syndicat de cinéastes indépendants, la SACEM une société de perception de droits d'auteurs/compositeurs, le CNC l'organe de tutelle de la cinématographie francophone.